Enterrement de vie de jeune fille - Idées

Si vous croisez un défilé de femmes déguisées en bonbons géants ou en Bécassine sautant au cou des messieurs, n'ayez pas peur, il s'agit d'un enterrement de vie de jeune fille. En principe, la bande de copines hilares n'est pas bien loin. Après une apparition timide en France dans les années 80, l'enterrement de vie de jeune fille ( EVJF, pour les initiés) a explosé. « Depuis deux ans, en plus des vendredis et des samedis, nous devons aussi réserver les jeudis soir pour ces fêtes entre filles », raconte Philippe Limoges, gérant du Bon Aloi, cabaret-karaoké parisien spécialiste des EVJF depuis dix-huit ans. Sa clientèle, hier majoritairement composée de jeunes femmes BCBG, s'est largement diversifiée ces quatre dernières années, et la saison des EVJF s'ouvrirait de plus en plus tôt : « Nous sommes complets non plus de mai à septembre, mais d'avril à octobre. »

Hier réservé aux garçons, l'enterrement de sa vie de célibataire est donc devenu une habitude féminine. « Depuis la libération sexuelle, les femmes ne sont plus censées se marier vierges. En enterrant leur vie de jeune fille, elles célèbrent elles aussi la fin du vagabondage amoureux, qu'il soit réel ou virtuel », explique Martine Segalen*, sociologue spécialiste de la famille et professeur à l'université Paris X. Et ce même si la future mariée partage la vie et le toit de son promis depuis plusieurs années !

Quant à la bande qui l'accompagne, elle témoigne elle aussi de l'évolution du statut des femmes : depuis qu'elles font des études, elles ont de plus en plus de relations sociales, sans quoi cette fête serait impossible ! Si l'EVJF est une affirmation de l'égalité sexuelle, il renforce également la nouvelle symbolique du mariage. Convoler n'est plus obligatoire pour passer du nid parental à un nid d'amour. « Se marier aujourd'hui n'est plus une contrainte imposée par les parents, mais un choix du couple, autour duquel il mobilise son cercle d'amis », reprend Martine Segalen. Et quand ils décident finalement de se passer la bague au doigt, les amoureux veulent que cela se sache ! Un mariage coûte en moyenne 12 000 et les réjouissances s'étalent de plus en plus sur la durée.

Aujourd'hui, la plupart des fêtes durent tout un week-end, où l'on est entouré d'un maximum d'amis. Pratiqué en général deux semaines avant le jour J, l'EVJF participe à donner une ampleur supplémentaire à la noce. « Je veux un enterrement de vie de jeune fille pour marquer le coup ! Comme les fiançailles ne se font plus, c'est le seul moyen d'institutionnaliser mon nouveau statut », proclame Géraldine, 30 ans, dont dix aux côtés du père de ses deux enfants de 3 ans et de 18 mois. « Il y a encore trois ans, pour être certaines d'en avoir un, les futures mariées s'en occupaient elles-mêmes. Aujourd'hui, les copines ont pris le relais, car elles ont compris qu'elles n'y couperaient pas ! », rapporte Gaël Remy-Néris, responsable du Salon du mariage au Carrousel du Louvre. Preuve supplémentaire du raz de marée que suscite le phénomène, certains organisateurs de mariage l'incluent dans leurs forfaits !

Donc, et c'est un autre avantage de l'EVJF, la future mariée n'a pas à l'organiser. Car la règle veut que la surprise soit totale. Après s'être coltiné un an de préparatifs de la noce, avoir composé avec les desiderata de belle-maman et les exigences de papa, la promise sait qu'un mariage réussi est une fête où rien ne dépasse.

Angoissant à l'idée que, le grand soir, un ami éméché se montre trop entreprenant avec tante Agathe, elle attend avec impatience cette soirée juste entre amis où tout le monde va pouvoir se lâcher sans risque. « Mon "enterrement" va lancer les festivités, et on va s'éclater un maximum », confirme Audrey, 29 ans, impatiente de savoir à quelle sauce elle va être mangée.

Et la sauce est souvent pimentée. L'enterrement de vie de célibataire étant une invention masculine, les filles ont naturellement repris les classiques du genre : déguisements licencieux (soubrette, nurse sexy...), gages grivois (vente de sucettes coquines, distribution de préservatifs...), spectacles de Chippendales. Certes, la cote de l'effeuillage viril grimpe au même rythme que la vogue des EVJF. « Les bars et les restaurants sont chaque année plus nombreux à nous commander un artiste à la demande de clientes préparant un enterrement », explique Sébastien Gutirrez, directeur commercial de striptease.com qui essaime ses éphèbes à travers toute la France. « Mais l'imagination reprend ses droits et la féminisation de la fête est en marche. » Car le strip-tease, c'est la terreur de bien des jeunes filles, qui ne rient que pour la galerie...

La tendance forte va plutôt à l 'invention de nouvelles formules. Les bonnes copines ont désormais à coeur de trouver l'idée originale qui va comme un gant à la personnalité de la future épouse. « Nous contactons les témoins pour leur proposer nos services : bien cerner la personnalité des mariés pour créer un enterrement inoubliable », explique Carine Faure, cofondatrice du Temps des lucioles, entreprise spécialisée dans l'organisation de mariages. Même à court d'idées ou débordé, on peut donc trouver le moyen de ne pas décevoir la jeune fille qui rêve maintenant presque autant de son EVJF que de sa robe.

Reste que ces services coûtent cher et ne sont - pas encore - très répandus. Au royaume du système D, certaines se montrent incollables et ont, petit à petit, créé un rite typiquement féminin. La tendance est de faire se succéder blagues bon enfant et massages relaxants. Les plus riches partent en thalasso pour le week-end, les petits budgets passent l'après-midi au hammam. Il n'est pas rare non plus de voir une fiancée sauter à l'élastique depuis le pont de la Mariée, près de Nice, sous les hourras des copines. « Pour symboliser le grand saut, nous avons offert un baptême en parachute à une amie », raconte Fabienne, 28 ans, grande habituée des organisations d'EVJF.

« Tout l'art, témoigne Virginie, c'est d' entretenir le mystère : on laisse craindre le pire à l'héroïne du jour. Nous avons fait passer une tenue de plongeur à une amie et choisi un itinéraire proche d'un fleuve. Elle a redouté le plongeon toute la journée pour rien ! » Mais le fin du fin, c'est encore de faire se retrouver garçons et filles en fin de soirée. Ainsi, ceux qui ne se connaissent pas se rencontrent dans la décontraction. Le jour du mariage, l'ambiance n'en sera que meilleure. Sans compter que M. Futur pourra ainsi se consoler d'un enterrement de vie de garçon moins inventif. Forcément !

Camille Dattée
* Auteur de l'Eloge du mariage, éd. Gallimard.
(source : http://www.femina.fr)